Abattement pour durée de détention
Abattement pour durée de détention
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Abattement pour durée de détentionUne précision technique contraire au principe administratif.
Pour rappel, depuis le 1er janvier 2013, les revenus nets de cession ou de rachat de titres sont imposables, l’année suivant la cession ou le rachat, à l’impôt sur le revenu selon le barème progressif (et non plus imposables selon un taux forfaitaire). Pour restreindre les conséquences de la progressivité de l’impôt sur le revenu et encourager l’investissement à long terme, deux abattements pour durée de détention ont été instaurés :
Un abattement de droit commun :
- 50% pour une durée de 2 ans à moins de 8 ans ;
- 65% à partir de 8 ans ;
Un abattement renforcé :
- 50% pour une durée de 1 an à moins de 4 ans ;
- 65% pour une durée comprise entre 4 ans à moins de 8 ans ;
- 85% à partir de 8 ans.
Compte tenu de la formulation de l’article 150-0 D 1 alinéa 2 du Code Général des impôts (« Les gains nets […] sont réduits d’un abattement […] »), l’Administration fiscale en avait conclu que les abattements pour durée de détention pouvaient concerner les plus-values comme les moins-values.
Dans un arrêt du 12 novembre 2015, le Conseil d’État a supprimé les parties de la doctrine administrative relatives à l’application des abattements pour durée de détention sur les moins-values, en estimant que l’Administration fiscale, en optant pour cette position, ne se limitait pas à expliquer la loi mais y apportait des règles nouvelles qu’aucun texte ne l’autorisait à publier.
Ainsi, le Conseil d’État estime que les abattements pour durée de détention ne s’étendent pas aux moins-values de cession.
Cependant, le Conseil d’État ne se limite pas à rendre inapplicables les abattements pour durée de détention aux moins-values de cession mais énonce précisément la règle à retenir pour le calcul des plus ou moins-values avec application des abattements.
Selon le Conseil d’État, il faut d’abord calculer un solde en imputant sur les différentes plus-values réalisées par le contribuable, avant tout abattement, les moins-values de même nature que le contribuable a supportées au cours de la même année (ou reportées) pour le montant et sur les plus-values de son choix. Ensuite, l’abattement pour durée de détention s’applique au solde ainsi défini, selon la durée de détention des titres dont la cession a établi les plus-values restant après imputation des moins-values. Ces deux étapes permettent d’obtenir les « gains nets imposables ».
Cette nouvelle règle n’entraîne pas automatiquement une imposition plus faible que celle qui résultait de l’application de l’instruction administrative.Cette nouvelle règle n’entraîne pas automatiquement une imposition plus faible que celle qui résultait de l’application de l’instruction administrative.
Un contribuable a réalisé la même année :
- une plus-value de 50 000 € sur des titres A détenus depuis moins de 2 ans ;
- une moins-value de 30 000 € sur des titres B détenus depuis plus de 8 ans.
Ancienne méthode (instruction administrative) :
- plus-value de 50 000 € sans aucun abattement ;
- moins-value de 30 000 € avec abattement de 65% soit une moins-value nette de 10 500 € ;
- gain net de 39 500 € (50 000 € – 10 500 €).
Nouvelle méthode (position du Conseil d’État) :
- plus-value nette de 20 000 € (50 000 € – 30 000 €) ;
- gain net de 20 000 € (car aucun abattement ne découle de la plus-value).
Dans ce cas, la nouvelle méthode du Conseil d’État est plus favorable au contribuable.
2- Un contribuable a réalisé la même année :
- une plus-value de 50 000 € sur des titres A détenus depuis plus de 8 ans ;
- une moins-value de 30 000 € sur des titres B détenus depuis moins de 2 ans.
Ancienne méthode (instruction administrative) :
- plus-value nette de 17 500 € (abattement de 65%) ;
- moins-value nette de 30 000 € (aucun abattement) ;
- perte nette de 12 500 € (17 500 € – 30 000 €) à imputer sur des gains futurs.
Nouvelle méthode (position du Conseil d’État) :
- plus-value nette de 20 000 € (50 000 € – 30 000 €) ;
- gain net de 7 000 € (abattement de 65% sur les 20 000 €).
Ici, la nouvelle méthode du Conseil d’État est moins avantageuse pour le contribuable.
Précisons que le Conseil d’État a indiqué explicitement dans son arrêt que les moins-values pouvaient être attribuées par le contribuable « pour le montant et sur les plus-values de son choix ».
Le contribuable pourra donc librement imputer ses pertes sur les différents gains réalisés au cours d’une même année civile. Il sera ainsi judicieux de choisir en priorité les gains ne bénéficiant pas déjà d’un abattement pour durée de détention.
On peut par contre s’interroger sur la possibilité (et la pertinence) de choisir un report de pertes sur les années ultérieures. En effet, le contribuable qui bénéficie d’une plus-value avec un gros abattement pourrait trouver un avantage à reporter sa moins-value de l’exercice (qui serait donc minorée par l’abattement si imputation) sur les années suivantes, particulièrement s’il prévoit d’effectuer une autre cession qui entraînerait une plus-value assujettie à un abattement plus faible voire sans abattement.
Il faudra attendre une nouvelle intervention de l’Administration fiscale ou du juge de l’impôt pour obtenir cette indication. En tout cas, une perte ne pourra être reportée au-delà des dix années suivant sa réalisation.
Suite à ce changement de méthodologie défini par le Conseil d’État, il faut s’enquérir des modifications pouvant en résulter.
Pour les contribuables ayant réalisé des cessions de valeurs mobilières en 2013 et en 2014, il faut recalculer le montant du gain net taxable et des pertes en report qu’ils ont déclarés.
- Si le nouveau calcul du gain net taxable entraîne une assiette d’imposition inférieure à celle préalablement déclarée, le contribuable doit demander le dégrèvement du trop-payé avant le 31 décembre 2016 pour les revenus de 2013 et avant le 31 décembre 2017 pour les revenus de 2014.
- Si le nouveau calcul ne modifie pas l’assiette de l’impôt mais seulement le montant des pertes en report, il semblerait que la correction puisse être effectuée directement sur le formulaire de suivi des pertes en report annexé aux déclarations de revenus ultérieures.
- Si enfin le nouveau calcul entraîne une imposition supérieure, on peut s’interroger sur la capacité de l’Administration fiscale à solliciter un complément d’impôt sur les revenus 2013 et 2014.
Les contribuables ayant appliqué de bonne foi les règles (désormais annulées) de la doctrine administrative en 2014 seront exclus de toute remise en cause, en application de l’article L. 80 A du Livre de Procédures Fiscales.
Par contre, les contribuables ayant appliqué ces dispositions en 2013 (alors qu’elles n’étaient qu’induites par les formulaires transmis et pas encore diffusées – mise en consultation des premiers commentaires administratifs à partir du 14 octobre 2014) ne sont pas protégés par l’article L. 80 A du LPF et le changement de doctrine.
Source : Conseil d’État, 12 novembre 2015, n°390265.
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