Holdings pures et CFE
Holdings pures et CFE
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Holdings pures et CFEUne holding pure exerce-t-elle une activité professionnelle ?
Dans sa formulation actuelle, l’article 1447 du Code général des impôts établit que la cotisation foncière des entreprises (CFE) est due chaque année par les personnes physiques ou morales qui exercent à titre usuel une activité professionnelle non salariée. Voici les règles applicables selon les différents cas de figure.
Ainsi, pour être imposable à la CFE, l’activité doit être exercée à titre professionnel, ce qui, comme le reconnaît l’Administration elle-même, « écarte les activités liées à la gestion d’un patrimoine privé » (BOFiP-IF-CFE-10-20-20-12/09/2012).
Dans ce cas, la CFE est-elle supposée s’appliquer aux sociétés holding « pures », c’est-à-dire qui se limitent à la détention des participations dont elles obtiennent (ou non) des dividendes, sans employer de personnel subordonné à réaliser des prestations de services aux filiales ?
La réponse de l’Administration manque de clarté
En effet, le BOFiP se limite à signaler aujourd’hui que « la gestion de son propre portefeuille de valeurs mobilières par un particulier constitue une activité relevant de la gestion d’un patrimoine privé et n’est pas, à ce titre, imposable à la cotisation foncière des entreprises » (BOFiP-IF-CFE-10-20-20-30-§ 10-12/09/2012). Faut-il en déduire, a contrario, que devrait obligatoirement dépendre d’une activité professionnelle la gestion d’un portefeuille par une société ?
Telle était en tout cas l’orientation plus clairement exprimée par l’ancienne règle administrative (doc. adm. 6 E-121 n° 31, 1er septembre 1991) qui, après avoir invoqué des décisions de jurisprudence de 1976 et 1980 sur lesquelles nous reviendrons, précisait que « toutefois, la gestion de son propre portefeuille de valeurs mobilières par un particulier – et non par une personne morale – constitue une activité relevant de la gestion d’un patrimoine privé et n’est pas, à ce titre, imposable à la taxe professionnelle. »
Cette position implique un contentieux relativement important, l’Administration se jugeant en droit de demander la CFE à toutes les sociétés holding, au moins à équivalence de la cotisation minimale.
La position administrative s’établit sur une jurisprudence relative à des textes invalidés depuis longtemps
La position de l’Administration se base principalement sur des arrêts anciens du Conseil d’État rendus en matière de patente.
L’une de ces affaires concernait une société dont la définition d’activité était « la gestion et l’administration de tous portefeuilles de valeurs mobilières et immeubles ». Bien que cette société n’ait, au cours des années observées, conclu aucune action de vente ou d’achat de titres ou d’immeubles, et n’ait employé aucun personnel salarié, le Conseil d’État avait estimé que la holding avait exercé l’activité imposable d’entreprise « de placement ou de gestion de valeurs mobilières pour son compte propre » (CE 7 juillet 1976, n° 132).
Soulignons que l’article 1447 du CGI, dans sa formulation de l’époque, envisageait l’assujettissement à la contribution des patentes de toute personne physique ou morale exerçant « un commerce, une industrie, une profession non compris dans les exceptions déterminées (par le Code) », et que le montant des patentes figurant à l’annexe I bis au CGI contenait clairement une rubrique « entreprise de placement ou de gestion de valeurs mobilières opérant pour son compte. » La même solution a encore été retenue un peu plus tard dans une affaire semblable (CE 25 juillet 1980, n° 14968).
Cependant, les règles ont évolué plusieurs fois depuis ces décisions, la « contribution des patentes » devenant la « taxe professionnelle », puis la taxe professionnelle se transformant en « contribution économique territoriale », et il semble improbable que le Conseil d’État confirme à présent une telle imposition.
L’assujettissement ne peut s’envisager que pour les sociétés exerçant une véritable activité et disposant de certains moyens
Rapprochement avec l’analyse définie pour la sous-location de biens immobiliers
Le Conseil d’État n’a pas eu à statuer récemment sur le cas d’une holding pure, sans moyen ni activité autre que la gestion « passive » de ses participations.
Toutefois, il est intéressant d’établir un rapprochement avec l’analyse qu’il a définie concernant la sous-location de biens immobiliers. Comme pour la gestion d’un patrimoine de valeurs mobilières, la haute juridiction estimait autrefois que, pour la contribution des patentes, ce type d’opérations devait faire l’objet d’une taxation, la nomenclature intégrant d’ailleurs une rubrique « entrepreneur de location d’immeubles. » Cependant, elle a décrété en matière de taxe professionnelle que l’activité de sous-location ne pouvait générer une imposition qu’en présence des éléments permettant de « caractériser l’exercice d’une profession, telles que, notamment, la régularité de l’activité et la mise en oeuvre de moyens matériels et intellectuels » (CE 12 octobre 1994, n° 122532). Le Conseil d’État a ensuite validé cette jurisprudence dans d’autres arrêts plus récents, en reprenant mot pour mot la même formulation (CE 28 décembre 2007, n° 291197 ; CE 25 septembre 2013, n° 350893 ; on sait que désormais l’article 1447, I du CGI règle la question en instituant un seuil de recettes de 100 000 €).
Gestion de valeurs mobilières
S’agissant de la gestion de portefeuille, on précisera que les affaires soumises au Conseil d’État dans les années récentes ont toutes concerné des sociétés spécialisées dans la gestion de valeurs mobilières.
C’est ainsi qu’a été considérée comme imposable à la taxe professionnelle une société de capital-risque employant treize personnes (comme le révèle la lecture de l’arrêt de la cour administrative d’appel : CAA Nantes 17 mai 2010, n° 09NT01626) : Le Conseil d’État s’est d’ailleurs limité, quant à lui, à noter que dans la mesure où les SCR sont des sociétés par actions ayant pour objet social la « gestion d’un portefeuille de valeurs mobilières », régentées par des textes les contraignant à investir dans des sociétés non cotées en contrepartie d’un régime d’imposition particulier au regard de l’impôt sur les sociétés, elles doivent être considérées comme exerçant à titre usuel une activité professionnelle au sens de la taxe professionnelle (CE 10 juin 2013, n° 341889).
La même décision a été rendue le même jour en ce qui concerne une société de gestion de portefeuille pour le compte de tiers au sens de l’article L. 532-9 du Code monétaire et financier (CE 10 juin 2013, n° 352012).
Précisons d’ailleurs que le réel enjeu des contentieux, pour ces sociétés, résidait surtout dans le mode de calcul de la valeur ajoutée : les sociétés demandeuses ont pu obtenir que leur valeur ajoutée soit bien définie comme pour l’ensemble des entreprises, c’est-à-dire sans prendre en considération les produits financiers, et non selon les dispositions particulières applicables aux établissements financiers.
Solution retenue pour une activité de gestion de titres de créances
On indiquera également que la même décision a été arrêtée par la Cour administrative d’appel de Paris pour une société exerçant une activité de gestion de titres de créances (CAA Paris 14 mars 2013, n° 11PA04212).
La société, filiale de plusieurs banques, avait conclu avec l’une d’elles un contrat de « swap » à l’issue duquel elle devait restituer l’intégralité des sommes perçues sur le portefeuille géré, en échange d’une rémunération fixe. Le portefeuille a d’ailleurs été activement administré, et cette activité a requis la présence de quatre salariés détachés par l’une des banques actionnaires. Dès lors, la Cour a estimé que « compte tenu de sa régularité et des moyens humains dont elle a nécessité la mise en oeuvre », cette activité représentait bien une activité professionnelle imposable à la TP.
Tel n’est pas le cas des holdings pures
On comprend ici à quel point les situations exposées ci-dessus divergent de celle des holdings « pures » qui se contentent de porter des participations sans exercer la moindre « activité » réelle (notamment de services aux filiales), ne mettent en place aucun moyen, tout spécialement lorsqu’elles sont des holdings « interposées » se limitant à pratiquer les prérogatives usuelles d’un actionnaire sans s’arroger un rôle de société « animatrice » (sur ces notions, voir notre ouvrage « La gestion fiscale des holdings », §§ 1629 et s.).
Ces holdings ont fait l’objet de très nombreux jugements de tribunaux administratifs (et d’un arrêt de Cour administrative d’appel) qui, peut-on espérer, laissent apparaître la position qui pourrait être celle qu’adoptera finalement le Conseil d’État.
La plupart de ces décisions, souvent après avoir précisé que la holding n’exerçait pas une activité de gestion de valeurs mobilières pour le compte de tiers, montrent que l’Administration n’avait pas affirmé que la société ait, sur les titres détenus, « accompli des actes outrepassant le simple cadre de la gestion de son patrimoine privé » qui auraient défini une activité professionnelle (TA Toulouse 16 juin 1998, n° 95-2008 ; TA Lille 18 mai 2000, n° 97-812 ; CAA Bordeaux, 26 mars 2002, n° 99BX02069 ; TA Paris 14 novembre 2006, n° 01-1470).
Certains jugements sont un peu plus précis et soulignent l’absence de caractère usuel ou réitéré des opérations sur titres réalisées par la société holding. C’est ainsi que l’une de ces conclusions précise que la holding n’avait effectué « aucune opération de vente ou d’achat de titres depuis sa création » (TA Amiens 4 mai 2006, n° 03-1006), et qu’une autre montre l’absence « d’opérations spéculatives faites de manière habituelle et répétée » (TA Nantes 5 mai 2000, n° 95-1639).
On observera que peu de ces décisions s’attachent à démontrer l’absence de moyens humains de la holding en relevant que la société n’emploie aucun personnel salarié (TA Amiens 4 mai 2006 précité).
Par contre, plusieurs jugements insistent sur le fait que la forme juridique commerciale ne peut suffire en elle-même à affirmer la nature de l’activité de la société et donc à la rendre imposable à la CFE : les holdings constituées sous la forme de sociétés commerciales (SA, SARL, SAS) doivent donc, en la matière, être qualifiées de la même façon que les sociétés civiles (TA Amiens et TA Nantes précités ; TA Dijon 21 novembre 2000, n° 00-116).
Finalement, la tendance jurisprudentielle semble plutôt explicite, et nous ne pouvons que souhaiter une clarification rapide de la règle administrative dans le sens de l’exonération des holdings pures, ce qui permettrait d’éviter l’abondance de petits contentieux constatée actuellement. À défaut, il reviendra au Conseil d’État d’apporter une réponse formelle à la question.
CE QU’IL FAUT RETENIR
La doctrine administrative ne se prononce pas clairement sur l’assujettissement des holdings pures à la CFE.
L’assujettissement à la CFE ne peut s’envisager que dans le cas de sociétés exerçant une activité réelle et disposant de certains moyens.
Dans l’attente d’une prise de position du Conseil d’État, les décisions de tribunaux et de cours administratives d’appel ont conclu au non-assujettissement des holdings ayant un rôle patrimonial et ne disposant pas de moyens humains.
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