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Garantie d’éviction en cas de cession de droits sociaux : jusqu’où s’étend la protection de l’acquéreur ?

Garantie d’éviction en cas de cession de droits sociaux : jusqu’où s’étend la protection de l’acquéreur ?

Une cession de droits sociaux consiste à transmettre à un acquéreur (le cessionnaire) les droits qu’un associé (le cédant) détient dans le capital d’une société.  

Dans ce cadre, une règle juridique s’impose au vendeur. Il doit garantir l’acquéreur contre toute éviction qui résulterait du fait des tiers, mais aussi de ses propres actes, même en l’absence de clause explicite dans l’acte de cession. 

Retour sur une décision récente de la Cour de cassation qui illustre une souplesse d’interprétation.

 

Cession de droits sociaux : un cadre protecteur, mais encadré 

En matière de cession d’actions, la garantie d’éviction vise à protéger l’acquéreur contre toute contestation ou tout acte malveillant, porté sur ce qu’il a acquis. 

Cette obligation légale, issue des articles 1626 à 1640 du Code civil, vise à protéger l’acquéreur de toute tentative de reprise directe ou indirecte de la société par son ancien propriétaire, ou d’atteintes aux activités telles qu’elles empêchent l’acquéreur de poursuivre l’activité économique de la société ainsi que de réaliser son objet social. 

Toutefois, cette garantie stricte dans son principe, doit être proportionnée à la protection des intérêts légitimes de l’acquéreur sans porter une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce et de l’industrie, donc à la liberté d’entreprendre qui a une valeur constitutionnelle. Elle doit donc être limitée dans le temps et dans l’espace.  

En effet, les tribunaux peuvent en moduler la portée selon : 

  • La nature de l’activité de la société ;
  • Son secteur économique ;
  • La chronologie des faits.

 

Une garantie d’éviction légale, même sans clause contractuelle 

En matière de cessions de participations, le cédant doit s’abstenir de tout comportement qui pourrait nuire à l’exercice normal de l’activité par le repreneur.  

La jurisprudence reste constante, cette garantie d’éviction interdit notamment : 

  • La création d’une société concurrente ;
  • La captation de clients ;
  • Toute manœuvre susceptible de nuire à l’objet social de la société cédée. 

Elle s’étend aussi aux cas d’éviction par un tiers, sauf si les parties ont limité cette garantie dans l’acte de cession.

 

Une souplesse d’interprétation par les tribunaux 

Dans une affaire récente, l’acquéreur de parts sociales d’une société spécialisée dans le développement de logiciel a poursuivi les cédants.  

Le cessionnaire invoquait une violation de la garantie d’éviction, au motif que les associés cédants avaient lancé une nouvelle société concurrente. 

La Cour de cassation, dans un arrêt du 6 novembre 2024, n’a retenu aucun manquement. Les magistrats ont pris en compte:

  • Le délai entre la cession et la création de la nouvelle structure par un des anciens associés (trois ans et cinq mois) ;
  • Le délai entre la cession et le recrutement d’un autre ancien associé (quatre ans et cinq mois) ;
  • Le délai entre la cession et la mise en ligne du produit concurrent (près de cinq ans) ;
  • Le caractère évolutif et innovant du marché informatique, où une protection prolongée serait disproportionnée par rapport aux intérêts du cessionnaire. 

Cette décision illustre la souplesse avec laquelle la garantie d’éviction peut être interprétée.  

Ainsi, la rapidité des évolutions technologiques, l’évolution des marchés et la temporalité des actes peuvent relativiser la portée de cette protection.

 

Cession de droits sociaux : attention à la rédaction des actes 

La garantie d’éviction est prévue par la loi. Il est toutefois recommandé de la délimiter précisément dans les actes portant cession de parts, notamment par l’insertion d’une clause de non-concurrence. 

La vigilance est d’autant plus importante lorsque les cessions concernent un marché où l’innovation technologique est rapide. 

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Pour conclure, une cession de droits sociaux doit être préparée et rédigée avec rigueur, tant sur le plan juridique que fiscal. La garantie d’éviction, bien que protectrice pour l’acquéreur, reste relative. Elle doit être interprétée à la lumière de l’activité de la société, du comportement des cédants et du contexte économique. 

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